La Profession Comptable peut-elle redevenir attractive pour la jeune génération ?
Cette problématique de l’attractivité des cabinets d’expertise comptable n’est pas nouvelle mais elle se pose avec plus d’acuité chaque année.
La période fiscale qui se termine a encore été un calvaire pour beaucoup de cabinets, dont beaucoup ont tourné en sous-effectif criant, les plus petits ayant été plus affectés que les autres.
La langue de bois n’étant pas notre tasse de thé, nous n’irons pas par quatre chemins…
L’évolution que nous percevons n’est pas sans interroger sur la capacité de la Profession à retourner à son avantage un positionnement qui, aujourd’hui encore, la dessert largement.
Une richesse incontestable des métiers qui ne suffit plus à attirer
Il est incontestable que la Profession Comptable ne manque pas de potentialités de missions futures : services externalisés (externalisation administrative, facturation, relance, recherche de financements…), pilotage de gestion, exploitation de la data, RSE, cybersécurité,…
Intellectuellement, elle ne manque pas d’attraits et peut se révéler passionnante pour ses futurs collaborateurs et cadres qui iront vers ces nouveaux métiers.
On voit bien pourtant que les cabinets doivent au préalable s’affranchir des missions traditionnelles qui forment 90% de leur chiffre d’affaires actuel mais qui, paradoxalement, « la plombent » de contraintes de plus en plus insolubles.
Les cabinets qui ont le mieux réussi et qui dégagent des rentabilité énormes et une croissance à deux chiffres, ont pris deux voies opposées :
- Stratégie de masse orientée « petits dossiers » très formatés à l’exclusion de tous les autres via un marketing Internet agressif et une organisation industrielle à base de comptabilité de trésorerie ;
- Stratégie qualitative sur des dossiers de révision, la tenue étant externalisée au maximum pour libérer des collaborateurs plus musclés à aller vers les services ou les missions de conseil à plus forte valeur ajoutée listées plus haut.
Ces stratégies très typées ne sont à l’oeuvre que dans un petits nombre de cabinets à notre connaissance : moins de 3% de la Profession Comptable probablement.
Et c’est bien ce qui pose problème : les stratégies médianes de croissance organique, voire même de croissance externe, buttent toutes sur ces plans :
- un manque stratégique
- la rareté de la ressource humaine et son turn-over
- une organisation insuffisante ou défaillante
- un management des RH insuffisant.
Nous ne traiterons pas ici de stratégie, qui est un sujet abondamment documenté depuis plus de 20 ans, mais qui, par excès de potentiel sur les missions récurrentes, ne suscite pas une volonté de changement profond suffisamment forte.
La rareté de la ressource humaine et son turn-over
Cette rareté est, là aussi, largement intégrée et expliquée par les cabinets.
Pour autant, nous nous intéressons surtout à ses conséquences.
Embaucher un collaborateur prend aujourd’hui plusieurs mois, coûte très cher (frais de recrutement, niveau élevé des rémunérations, déstabilisation de la hiérarchie des rémunérations) sans garantie de qualité ni de pérennité au sein du cabinet.
Pire, la non-qualité, loin de résoudre la pénurie de ressources, la renforce parce qu’il est nécessaire de contrôler et de former plus avant des RH dont le niveau est finalement assez faible.
Aux coûts décrits plus haut, s’ajoute le temps des personnels qualifiés du cabinet (collaborateurs confirmés, cadres, experts-comptables) pour faire monter le niveau des nouveaux embauchés.
Les jeunes générations sont plus indépendantes, moins fidèles et moins prêtes à sacrifier des soirées et des week-end au profit du cabinet.
Tout ceci renforce malheureusement la perte de productivité qu’on essayait de combattre par l’embauche ! Ouille…
On verra plus loin à quel point le besoin d’un gain de productivité très fort et rapide devient absolument nécessaire.
Méthode de la Chaîne critique : +30% de productivité en moyenne ! En savoir plus…
Une organisation insuffisante ou défaillante
La plupart des cabinets s’est formée en accumulant des strates historiques :
- de clients
- de collaborateurs
- d’outils technologiques.
Rachat de clientèles ou pas, le portefeuille actuel d’un cabinet s’est formé selon la stratégie de ses dirigeants qui révèle leurs affinités profondes.
Le potentiel de nouveaux clients existe, le nombre de créateurs d’entreprises augmente du fait d’une baisse structurelle du salariat qui projette des chômeurs dans cette voie.
Les cabinets sont confrontés à ces créateurs « par défaut » souvent techniciens mais peu organisés et donc problématiques (rigueur du classement des pièces, difficulté d’approvisionnement en période fiscale).
Faute de RH, ils comptent sur de nouveaux outils technologiques pour régler ces problèmes.
La seule chose qui est sûre, c’est l’augmentation des coûts pour les cabinets : le moins sûr étant le gain de productivité induit qui n’est souvent pas au rendez-vous. Voire contraire, faute de processus et de procédures bien calés.
Un management des RH insuffisant
Comme nous nous plaisons à le répéter, l’entrée d’un nouvel outil déstabilise l’organisation productive en place dans le cabinet.
Car il crée de fait une nouvelle filière de traitement qu’il faut concevoir, tester, valider et déployer.
Elle nécessite alors une réorganisation (recalage des processus, écriture et mise en application de procédures) et surtout une couche de coaching pour accompagner les collaborateurs dans la prise en main des outils et de l’organisation inhérente.
Or la pénurie de bras interdit que les cadres investissent plus de temps au profit de la nouvelle organisation et de son management.
C’est même le contraire qui se produit en période fiscale dans laquelle, plus le stress monte, moins les cadres ont de temps à consacrer pour aider leur personnel.
Les tensions accrues provoquent alors burn-out, absences voire turn-over. Un cercle vicieux se met en place !
L’expert-comptable devient alors la dernière variable d’ajustement, notamment dans les plus petits cabinets, souvent au détriment de sa santé.
L’attractivité des cabinets passe d’abord par une phase de reconstruction de leur stratégie, de leur organisation et de leur management des RH
Les speed-dating, les soirées blanches… et toutes autres « stratégies gadget » pour attirer les jeunes nous semblent lourdement insuffisantes pour résoudre les problèmes de la Profession Comptable.
Nous évoquerons dans un prochain article une stratégie de refondation productive d’un cabinet afin d’en finir avec le cercle vicieux évoqué ici.